Poutine : une vérité, un mystère et six mensonges

Publié le

Poutine : une vérité, un mystère et six mensonges

 

« Le déclin du courage est peut-être ce qui frappe le plus un regard étranger dans l’Occident d’aujourd’hui », écrivait Alexandre Soljenitsyne. Sans cette faiblesse maladive, l’Europe redouterait-elle tellement la Russie de Vladimir Poutine ? Le maître du Kremlin est révéré par un secteur croissant de l’opinion comme l’homme fort d’une nation restaurée, engagée dans une lutte titanesque contre l’Occident décadent. Cette réputation repose sur une vérité, une énigme et six mensonges. Les voici :

 

  • « Poutine a refait de son pays une grande nation. » FAUX. La Russie est une puissance militaire majeure grâce à l’arsenal hérité de l’époque soviétique. Sa taille, sa culture et son histoire en font aussi, quel que soit celui qui la dirige, un pays qui compte. Néanmoins, la Russie actuelle demeure un pays affaibli, confronté à de sérieux problèmes structurels : son PIB est inférieur à celui de la France alors qu’elle est deux fois plus peuplée, sa démographie est en berne (en raison notamment d’un taux de fécondité très faible), son espérance de vie est inférieure à celle du Bengladesh, l’alcoolisme et le SIDA (plus d’un million de Russes seraient porteurs du VIH) posent d’insolubles problèmes de santé publique, elle est menacée d’implosion par des minorités ethniques et religieuses, principalement musulmanes, en pleine croissances et qui pourraient être tentées de faire sécession à moyen terme. Vladimir Poutine est parvenu à atténuer certains de ses maux, mais aucun n’a été pleinement solutionné.

 

  • "La Russie est une puissance militaire irrésistible". FAUX. La Russie a certes repoussé deux des plus grands conquérants de l’histoire, Napoléon Bonaparte et Adolf Hitler, bien aidée en cela par le « général hiver. » Néanmoins, elle a connu tout au long de son histoire, ancienne et récente, de cuisantes défaites : devant les Mongols, les Polonais et les Lituaniens coalisés, les franco-britanniques durant la Guerre de Crimée, entre autres. Au début du 20e siècle, sa défaite face au Japon, fut la première d’une puissance européenne moderne face à un pays asiatique. La Première Guerre mondiale a provoqué la chute du tsar et la négociation d’une paix séparée par les Soviets, tenus en échec par l’Allemagne. La guerre soviéto-afghane s’est achevée par la déroute de Moscou. La guerre froide a eu pour terme une humiliante défaite : la Russie a perdu près d’un tiers de son empire sans que ne soit tiré un seul coup de canon. L’invasion de l’Ukraine a par ailleurs révélé les faiblesses militaires de la Russie actuelle, « l’opération spéciale » qui devrait s’achever en quelques jours par la prise de Kiev est devenue une interminable guerre de position où des centaines de milliers de jeunes russes ont perdu la vie pour quelques centaines de kilomètres carrés.

 

  • "La Russie de Poutine est un phare pour de nombreuses nations". FAUX. La Russie attise la haine occidentale en Afrique, obtenant là quelques soutiens. Pour le reste, elle est relativement marginalisée sur la scène internationale, ses principaux alliés étant des régimes parias : Iran, Cuba, Venezuela, Corée du Nord, Nicaragua, Biélorussie… La relation qu’elle entretient avec la Chine est ambiguë : c’est à la fois une alliée naturelle contre l’Occident et une rivale dangereuse qui exerce une forte pression à sa frontière sibérienne.

 

  •  Vladimir Poutine est le restaurateur des valeurs traditionnelles. FAUX. La Russie accable régulièrement l’Occident pour sa « décadence morale. » Il est vrai que l’homosexualité, largement acceptée en Europe et aux Etats-Unis, est réprimée en Russie. Cependant, la structure familiale traditionnelle est également très affaiblie dans ce pays. Le taux de fécondité des femmes russes a atteint un seuil alarmant (1,42 enfant par femme, contre 1, 89 en France), bien qu’il soit en baisse depuis quelques années, le taux d’avortements continue d’être parmi les plus élevés d’Europe, et le taux de divorce est tout simplement le plus élevé au monde (4,1 divorces pour 1000 habitants contre 1,9 en France !) Par ailleurs, la gestation pour autrui (GPA) à des fins lucratives est légale en Russie.

 

  • "La Russie combat la corruption." FAUX. Poutine est présenté par la propagande du Kremlin et les amis de Moscou comme un chevalier blanc engagé dans une croisade pour, notamment, assainir l’Ukraine corrompue. En vérité, la société russe est gangrénée par la corruption depuis des décennies (la Russie est classée 39ème pays le plus corrompu au monde sur 180 d’après le plus récent rapport annuel de l’ONG Transparency International) et cette tendance s’est accentuée sous les mandats de Vladimir Poutine, malgré la mise au pas des oligarques de l’ère Eltsine. La fortune du président russe est estimée à plus de 200 milliards de dollars. Cette somme colossale qui ferait de lui l’un des hommes les plus riches du monde a-t-elle été obtenue grâce à sa retraite d’ex-agent du KGB ?

 

  • "Vladimir Poutine est le défenseur de la chrétienté." FAUX. A plusieurs reprises, la Russie de Poutine a fait référence à l’héritage chrétien afin de marquer sa différence avec l’Europe réputée apostate. Pourtant, elle est l’alliée indéfectible de régimes islamiste (Iran), et marxistes (Corée du Nord, Cuba, Nicaragua) qui persécutent impitoyablement les chrétiens. Jamais le Kremlin n’est intervenu pour tenter d’atténuer les souffrances de ces derniers. En Russie, le compagnonnage de l’Église orthodoxe avec le pouvoir, récurrent dans l’histoire nationale, y compris sous Staline, ne saurait occulter la déchristianisation en cours (chute de la pratique religieuse).

 

  • "Vladimir Poutine est aimé de son peuple." IMPOSSIBLE DE REPONDRE. Les Russes sont certainement nombreux à être reconnaissants à l’ex-agent du KGB d’avoir mis fin à la déliquescence de l’ère Eltsine et d’avoir fait de la Russie humiliée une puissance à nouveau redoutée. Mais comment mesurer l’ampleur de cette popularité dans un pays où l’opposition et la presse sont muselées ? Il est de toute façon probable qu’à l’instar de tous ses prédécesseurs, tsars et dirigeants soviétiques confondus, Poutine préfère être craint plutôt qu’aimé.   

 

  • "Vladimir Poutine est un patriote." VRAI. L’hégémonie de la Russie semble d’ailleurs être sa seule boussole idéologique. « De Clovis jusqu’au Comité de salut public, je me sens solidaire de tout », aurait dit Bonaparte. Poutine pourrait dire « D’Ivan le Terrible à Staline, je prends tout. » De fait, il a veillé à la canonisation de Nicolas II, tout en prenant soin de restaurer l’hymne soviétique. Malheureusement pour les voisins immédiats de la Russie, ce patriotisme s’accompagne de visées impérialistes, lesquelles sont une constante de la longue histoire russe. L’Ukraine en fait aujourd’hui les frais et il ne fait guère de doute que si Poutine obtient finalement gain de cause d’autres territoires suivront. Pourquoi, en effet, se priverait-il de poursuivre ce qui lui réussit ?   

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article